2011/02/06

LA VIE QUOTIDIENNE (resté à l'état d'ébauche)

à Hanegi-koen, Umegaoka, Setagaya, Tokyo    
photo by Masaki SURUGA


       Hélène Cécile GRNAC


  L’hiver dernier(2008) il est sorti un film japonais qui a eu un grand succès, intitulé « ZEN ». Il raconte la vie du grand moine japonais DOGEN ( 1200 – 1253 ), fondateur de la secte zen SOTO. La quintessence de son enseignement se trouve dans son oeuvre maîtresse Shôbôgenzô, « Le Trésor de l’Oeil de la vraie Loi ».  
  La pensée de Dôgen présente une originalité remarquable que l’on se permet de résumer ainsi : au lieu de se baser sur les Ecritures de l’enseignement bouddhique classique, il les nie pour au contraire s’appuyer sur sa propre expérience dans ce qu’il appelait le « ici et maintenant » en prenant la position assise, celle du « zazen ». C’est grâce à elle que le corps et l’esprit cessent d’avoir toute valeur fixe, toute identité déterminée et qu’on peut atteindre l’Eveil, la Voie ( de Bouddha), c’est-à-dire qu’ « étudier la Voie, c’est seulement saisir les os et la moelle du monde de l’absence de forme et de pensée. » Par ailleurs, cet éveil se produit de lui-même, il a lieu ou non, mais ne dépend de toutes façons, d’aucune circonstance extérieure, quelle quelle soit. Pour ce qui est de la mort, il dira devant une assemblée de bonzes à Hôrin-ji, en 1242 que « l’homme ordinaire ignore que vie et mort cohabitent...que la vie ne s’oppose pas à la mort ni la mort à la vie .»
  Ce film fut l’occasion de me replonger dans le bouddhisme qu’en fait je ne perdais jamais de vue, relisant souvent, sans m’en lasser, des passages de tels ou tels penseurs indiens, chinois ou japonais ( principalement Dôgen et Kûkai ), naturellement le plus souvent en traduction française ou anglaise, quelquefois dans l’original japonais. Je revis le film encore deux fois, et forte de cette expérience, me sentant quelque part « éveillée », dans la foulée, je pensais à cet autre grand moine japonais tout aussi célèbre sinon plus que Dôgen : Kôbô Daishi qui vécut environ quatre siècles avant Dôgen : 774-835 et plus souvent appelé Kûkai (Océan de vacuité), nom qu’il prit quand il fut ordonné moine, avant son départ en Chine. J’eus la chance de découvrir une vidéo sur sa vie. Un film japonais de presque trois heures des années 85 dont je ne sais pourquoi je n’avais jamais entendu parler ou oublier son existence. Que je revis trois fois aussi, tranquillement.
  Comme Dôgen, Kûkai, fondateur, lui, de la secte bouddhique du Shingon (le mantra), obtint l’Eveil en Chine et comme Dôgen, il voulut initier les Japonais à ce qu’il avait appris, après son retour au Japon. Mais bien que tous les deux se réclament de la Voie de Bouddha et présentent nécessairement des points communs dans leur philosophie, notamment sur la vacuité et l’impermanence des choses, Kûkai insista sur l’étude du mandala, représentation géométrique et symbolique de l’univers dans le bouddhisme (et aussi le brahmanisme). Il implanta le bouddhisme dit ésotérique, dans son pays. Pour lui, macrocosme et microcosme ne font qu’UN. Il affirmera encore comme Dogen quelques siècles plus tard, qu’on peut atteindre l’Eveil, autrement dit l’état de Bouddha en une seule vie ici-bas, sans avoir à passer par plusieurs vies ou réincarnations, contrairement à la croyance hindouiste et à celle des autres sectes religieuses de son époque au Japon.
  A la différence de Dôgen qui partit en Chine très jeune déjà bonze et se consacra au retour exclusivement au zen et à son temple Eihei-ji, Kûkai comme Dôgen abandonnera de brillantes études et toute carrière prometteuse, mais pour mener d’abord de longues années, une vie d’ascète errant et loqueteux. Pour expérimenter précisément ce qu’il pressentait si fort en lui, que « tout ce qui était en haut était comme tout ce qui était en bas ». Il ne se fera moine qu’après l’âge de 30 ans, après avoir mieux compris non seulement avec son intelligence hors du commun mais aussi et surtout avec toutes les fibres de son corps les mystères de l’univers. Initiation personnelle et quasi-sauvage, dans la nature même, apprentissage laborieux et souvent périlleux qu’il parachèvera en Chine grâce à la rencontre miraculeuse du grand maître de l’ésotérisme chinois Keika-Ajari (Hui-Go) qui, dit-on, l « attendait » avec impatience pour lui transmettre les secrets ultimes de son enseignement, avant de quitter ce monde. Très ouvert, il désirait aussi que Kûkai se hâte de rentrer au Japon pour les répandre. Kûkai écrira une oeuvre immense dont une « Jôjôshin-ron », dans lequel il développera les dix niveaux à travailler avant d’atteindre l’unité absolue de l’Esprit.
  L’Eveillé n’a donc pas besoin de rejeter le monde, il peut et se doit même d’aider les autres moins avancés que lui à percevoir la Vérité, l’Ainsité des choses de la vie sous leurs aspects infiniment multiples mais sans cesse changeants et éphémères.
     Fort de son expérience et de l’initiation complète qu’il eut le privilège unique de recevoir, Kûkai voyagera à travers tout le Japon. Doué de pouvoirs shamaniques, il soignera les malades lors d’épidémies, arrêtera la tempête pour que les pêcheurs aient le temps de construire leur digue contre le typhon etc... Il reste toujours très vénéré au temple qu’il fonda en 816 sur le mont Koya et les Japonais se sentent plus proches de lui que de Dôgen, probablement, bien que chaque année des milliers de touristes aillent visiter Eihei-ji.
  Voilà donc ce que ces deux films m’avaient appris sur les deux plus importants courants spirituels du Japon et sur leurs deux plus éminents penseurs.
Mais après le vif intérêt ressenti en découvrant à l’écran la vie extraordinaire de ces deux grands propagateurs de la pensée de Sakyamuni, je pris du recul, puis le doute commença à me ronger, enfin je me décidai à les attaquer...tous les deux.
Il n’est pas dans mon intention de mettre en doute leur force spirituelle respective, j’aurais bien du mal à le faire. Tout ce qu’ils ont écrit comme témoignages de leurs expériences intérieures restera un précieux témoignage et un excellent texte de référence pour tous les lecteurs de tous les temps, certes, mais pourquoi ont-ils fondé tous les deux et d’autres comme eux une secte ? Bouddha n’a jamais voulu que ses expériences sur la découverte de l’ignorance humaine se transforment en dogmes religieux.
  Aussi Bouddha n’ a jamais voulu créer de temple ni de secte quelconque ; pourquoi faut-il alors que ceux qui ont voulu devenir des « éveillés » comme lui et qui y sont parvenus en principe, ont-ils toujours eu le besoin de créer une secte dans laquelle ils se sont enfermés pour former bande à part ? Pratiquement aucun des plus célèbres n’a réussi à vivre comme tout le monde, excepté Marpa, le laique tibétain et maître de Milarépa, qui dira lui-même :《 ............. 》,
    
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   .........plongeai dans le plus définitif accablement. Je ne me suis plus sentie illuminée, plus du tout. Loin d’appliquer le principe capital du bouddhisme selon lequel rien n’a de véritable consistance, donc tout est illusion mentale, mon petit « moi » s’était au contraire assez renforcé pour croire fermement qu’il existait vraiment. Puisque j’éprouvais un complexe d’infériorité presque insupportable ! Je me perdais dans toutes sortes de raisonnements plus contradictoires les uns que les autres. Je pensais que tout cela était magnifique mais sur le papier seulement et si ce n’était pas le cas que je n’aurais jamais la force intellectuelle, physique et spirituelle de les suivre, même de très loin. Kûkai me semblait encore plus inaccessible que Dôgen parce qu’à moins d’aller chercher dans le fin fond du Pérou ou du Mexique un shamane digne de ce nom, comme Don Juan dans les récits fascinants de Castanéda, ou de tomber sur quelqu’un comme l’inoubliable indien Apache surnommé « Grandfather » des livres de Tom Brown, Jr., je ne pourrais jamais rien apprendre du vrai esprit de la Nature et de cette force « qui meut infiniment tout ce qui est ». Mais je savais aussi que je n’aurais jamais le courage ni l’élan suffisants pour aller m’asseoir durant de longues heures sur un coussin et faire zazen... bien que vivant au Japon, la patrie de Dôgen. Je me demandai enfin, pour justifier mon incapacité totale, s’il existait de nos jours de véritables successeurs de Dôgen et de Kûkai...    


   (inachevé)


    le 12 mai 2009   à   Tokyo


*Cette ébauche est le dernier écrit d'Hélène Cécile GRNAC. Le 12 mai 2009, mardi, en rentrant de ses cours à Yokohama, elle s'est aperçue que ses jambes étaient enflées "comme des poteaux". C'était l'apparition nette de son cancer.



【管理人の注】
 エレーヌ・セシル・グルナックによる最後の草稿。残されたパソコンの中から、《Le corps est esprit, L'esprit est corps》とともに発見された。フランス文学作品をテーマとする考察から、50年来の関心の中心だった生活の中での《真理》の探究についての考察へと、道元や空海に触れつつ、向かおうとしていた。
 宗教と神秘主義への非常な興味を一貫して持ち続けてきたグルナックは、60代の後半に達して、隠遁者でも僧でもなく、生活に追われるふつうの社会人として生きつつ、それらをどのように日常生活の中で生き、どのように《真理》へと到達して行きうるのかということについて、多面的に考え直そうとしていた。
 道元や空海の著作の日本語原文、現代日本語訳、フランス語訳、英語訳をあらためて手元に集め始めていたが、知的思弁的な道元論や空海論を展開していくよりは、日常の中の様々なモノや身のまわりの小さな自然、誰にでも訪れる夢や直観、場合によっては幻視などを手掛かりとした《真理》の探究の仕方を採っていくことになる可能性のほうが強かったと想像される。ネイティヴ・アメリカン関係の自然や霊との交流を扱った書籍類や、現代アメリカの女性たちの手になる実践的なシャーマニズムや魔法についての書籍類も手元に多量に集められており、すでに相当に読み込まれていたが、グルナックにとっては、そうした進み方のほうが自然であったように見受けられる。

 この草稿に最後に手が入れられた2009年5月12日、火曜日、朝日カルチャーセンター横浜の授業から帰宅したグルナックは、両足が大根のように腫れているのに気づく。彼女の生命を奪うことになるガンが、はっきりしたかたちで現われた日だった。
 以後、落ち着いて文章を書く機会はついに戻って来なかったが、ふいに突きつけられた末期ガンを、集中的な実践的修行の契機のようなものとして認識していた。様々な雑事につきまとわれ続ける日常生活と、そこに厄介事と心身疲労や衰弱が加えられ続けていく病気というもの。これらを抱えながらの精神的ないし霊的な進化・深化は、どこまで可能か。最期を迎える週まで、これが、管理者との間での会話の中心的なテーマとなった。グルナックは、生涯で一度も病気らしい病気を経験したことがなかったので、降って湧いたような大病を、特別に突きつけられた課題として受けとめていた。
 70歳にも達しない年齢の彼女を見舞った死の危機について、まだ若過ぎると考えて悔やんでいたわけではない。彼女よりも若くして亡くなった空海や道元、あるいは聖ベルナデットなどの年齢を忘れていなかったし、やはりガンで死んでいった覚者ラマナ・マハリシやクリシュナムルティのことも忘れてはいなかった。

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