2011/02/12

L’AUTRE RIVE.....*

à Sorigny,  France


  Hélène Cécile GRNAC


     Peut-être moins familières ou plutôt différente pour les Asiatiques, la notion de l’après-vie, selon les religions occidentales, laisse dans le coeur, une trace indélébile.Croyant ou pas, elle fait partie de notre vie qutidienne.Chacun la ressent à sa manière mais nous pouvons difficilement lui échapper, une fois qu’elle nous a enveloppés dès notre naissance.Et dès que nous avons pris conscience que nous sommes de passage ici-bas, cette notion nous escorte pour toujours, présence silencieuse mais bien là....


      Commençons par le commencement.Baptisés chrétiens pour le meilleur et pour le pire et sans vous demander votre avis, puisqu’on vous fait subir ce culte initiatique, à peine sortis du ventre de votre mère,nous voilà légataires universels d’un héritage-fardeau dont il est difficile de se débarrasser, qui vous encombre pour le restant de vos jours.Ne serait-il pas plus logique et surtout plus sain pour notre esprit que de lui laisser choisir le moment et la forme où il lui plairait de tâter du concept de la Grâce, de la Prédestination, du Péché, originel ou péché tout court et moultes autres belles et nobles spéculations du même genre ? Au lieu de cela, dès la plus petite enfance, on baigne dans une atomosphère manichéenne où l’on ne cesse de vous ressasser ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’il faut faire et ne pas faire et autres préceptes moraux des plus ennuyeux. Si ce n’était que l’ennui..... mais ce qui est grave et dangereux pour l’évolution intérieure de l’enfant comme de l’adulte, c’est que cet avant-goût de paradis et d’enfer ne laisse pas que de distiller en nous un pénible sentiment de culpabilité, de malaise qui va croissant avec l’âge, c’est-à-dire avec le désir naturel de se libérer de tout carcan, familial, social ou religieux. Tandis que nous torture sourdement la notion de l’existence même de dieu et de sa toute-puissance. Dieu existe-t-il vraiment ? On nous dit que oui.... mais encore ? On nous dit aussi qu’il est l’amour et la miséricorde infinis...  Voilà qui est bien, mais alors pourquoi sent-on toujours planer sur nos têtes, la menace du jugement dernier et des feux de l’enfer ? Dieu, s’il EST, pardonne-t-il, oui ou non ? Si oui, pourquoi ce sentement de contrôle permanent sur tous nos actes et paroles, cet interdit implicite de penser dieu librement, par nous-mêmes, avec ce qu’il y a en nous de limité mais aussi d’immensément grand et généreux, de sans cesse mouvant et créateur ? Monsieur le bon dieu est bien gentil mais il finit par nous peser.... comme l’inspecteur des impôts qui code tout,calcule tout, vérifie tout et pénalise à la moindre entorse à la Loi. Il nous prend alors l’envie condamnée mais irrésistible de nous tourner vers.... le diable.C’est lui qui nous tend la main pour nous aider à sortir des chaînes du système divin, de sa structure parfaite donc génératrice de stérilité.C’est lui peut-être, la porte ouverte qui laisse entrer un peu de souffle frais pour chasser l’air de pureté étouffant de la pensée bien-pensante.Ce que nous appelons démon, n’est-ce pas plutôt un genre de désordre, de chaos annonciateur d’ordre, mais d’un ordre toujours flexible, dont les forces dynamiques pénètreraient en même temps tous les vecteurs la pensée humaine, désordre étoilé, qui brillerait partout à la fois ? Quoiqu’il en soit, l’homme d’aujourd’hui n’est pas encore prêt à regarder dieu droit dans les yeux, sans peur, avec la pleine conscience de sa fragilité qui est aussi la source même de sa force de vie.Les progrès scientifiques si prometteurs soitent-ils, ne diminuent pas notre angoisse de vivre, tant s’en faut. Aux croyances et religions qui ont fait leur temps, croyons-nous, nous nous hâtons d’en substituer d’autres, toutes plus universelleset meilleuresles unes que les autres nous assure-t-on, mais sans vouloir admettre qu’elles n’apportent rien de nouveau sous le soleil, sinon de perpétuer comme leurs soeurs aînées, l’intolérance et le fanatisme.
    

     La religiondu moins la religion chrétiennesemble donc avoir échoué dans sa mission de répandre l’amour universel du Christ, sans doute parce que les hommes n’en ont jamais saisi la véritable portée.Loin de voir en lui le chemin de la libérté intérieure, aussi bien envers la peur de la mort qu’envers l’enracinement terrestre, lâmour du Christ a été pris comme la perche de salut à laquelle on s’accroche désespérément pour se fuir, pour ne pas se prendre en charge.On se blottit frileusement sous l’aile terrible mais en même temps protectrice d’un dieu d’autant plus fascinant que loins de notre appréhension, un dieu qui, malgré sa justice tranchante comme le glaive, nous pardonnera toutes nos mauvaises actions.Nous n’en sommes pas à une contradiction près ! Si simplement et si cocasse qu’elle puisse paraître, une évidence certaine se profile : l’homme recherche toujours un appui, un lieu sûr, de quelque nature qu’ils soient, pour ne pas devenir adulte à part entière, ne voulant pas comprendre que cette maturité est la garantie même de sa spontanéité d’enfant autant que de sa lucidité de sage apte à rencontrer la mort avec sérénité. Cette irresponsabilité quasi-génétique fait que nous sommes des plus réticents pour affronter l’inévitable, à savoir notre propre fin.Ou plutôt, pourquoi faut-il que nous l’acceptions mais à la guerre, dans une maladie incurable ou encore dans le désespoir suicidaire du déséquilibré mental ? Il est pourtant des peuples qui vivent chaque jour avec la mort. « Le Labyrinthe de la solitude » d’Octavio Paz montre avec une profondeur et une tendresse infinies le destin des Mexicains pour qui la mort est d’abord une fidèle compagne qui les aide à survivre dans un pays à l’économie angoissante, qui les a soutenus autrefois pour supporter le joug colonial des Conquistadors.Présence mystérieusement réconfortante et comique avec un bonheur qui sans nul doute, choque ou fait frissonner celui qui foule le sol du Mexique pour la première fois. Pourtant, n’est-ce pas les Mexicains qui auraient raison ? Penser la vie comme eux nous aideraient peut-être à mieux la vivre et mieux la ....quitter. Nous y gagnerons en acuité et clairvoyance dans les arcanes tortueuses ou qui nous paraissent telles, de notre destinée.En conséquence, cette dernière se présenterait à nous infiniment moins dramatique et moins cruelle que toutes les religions et toutes les philosophies de la terre se sont obstinées à nous faire croire.Vivre la vie avec la mort engendrerait naturellement une modification en profondeur de nos structures sociales, politiques, économiques et autres.Quant à nos découvertes scientifiques dont nous nous glorifions un peu trop et un peu trop vite, là encore, si nous en comprenions vraiment l’impact sur l’avenir de l’humanité, elles devraient favoriser en nous un sens plus cosmique de la vie, la faisant une, précisément, avec son autre face inséparable. Elles devraient pouvoir nous aider à sonder avec plus de confiance, le mystère presque entier encore, de nos cellules qui, pendant que nous sommes là, savent parfaitement comment vivre pour mourir et mourir pour renaître.Mouvement fantastique dont le tourbillon créateur échappe toujours à notre intelligence.....

  mai 1991  à Tokyo



 *Écrit pour ΠANTHEON vol.2 no.2
   SFC News Letter (de l’Université Kéio Fujisawa Campus)




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