2011/02/04

LE CORPS EST ESPRIT, L’ESPRIT EST CORPS

                                                                             à Katakurajyo-ato-koen, Hachioji, Tokyo 
                                                                                                               photo by Masaki SURUGA



 Hélène Cécile GRNAC


Depuis la nuit des temps, les êtres humains se torturent sur la meilleure façon de vivre certes, mais surtout sur celle de reculer toujours plus loin le moment de mourir. Car derrière toutes nos angoisses de quelqu’ordre qu’elles soient, c’est incontestablement celle de ne plus pouvoir, un jour, appartenir à ce monde ici-bas.

Aucune véritable solution n’a encore été trouvée, semble-t-il, pour mettre fin à cette peur si fondamentale dans notre vie. Ou plutôt si. Il y en a de très bonnes mais le malheur est que si peu de gens veulent les essayer pour de bon et prendre le temps qu’il faut pour en apprécier l’efficacité. Ces courageux existent mais ils font partie des rares qui ont réussi dans cette entreprise.  
Les religions notamment et sous toutes les formes, ont proposé leurs services mais soit que ce qu’elles proposaient aux hommes s’avéraient être au-dessus de leurs forces, soit que leurs méthodes leur aient paru par trop coercitives, le résultat est qu’à travers les siècles et jusqu’à nos jours elles ne semblent pas avoir donné les effets qu’elles en attendaient et que la société se divise toujours en plusieurs groupes, si l’on peut dire : les croyants inconditionnels, ceux qui ont fini par renier leur dieu, ceux qui n’ont jamais voulu en entendre parler et les idéologies du 20 ième siècle y sont pour quelque chose, ceux encore qui tâtent de toutes les religions existantes sans réussir à trouver celle qui leur conviendrait, ceux enfin qui s’ essayent à toutes sortes de thérapies devenues quasiment des religions. Notre liste n’est sans doute pas exhaustive...

Mais en fait, il nous semble plus urgent de se poser la question suivante : comment vivre le mieux possible chaque jour de la vie qui nous est si mystérieusement accordée? Nous ne voulons pas précisément dire dans notre travail, nos amours, nos relations ordinaires avec autrui etc...où effectivement, nous suivons aveuglément ou presque, le terme ne nous semble pas exagéré, le rythme linéaire du temps: passé, présent et futur. Il nous est donc de peu de secours, il ne fait qu’accélérer notre pensée vers le gouffre final avec bien souvent, sinon toujours, un sentiment indéfinissable mais douloureux d’impuissance et d’échec ou de profonde insatisfaction. Car si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous constatons bien que n’avons jamais réalisé ce que nous aurions voulu faire et comme nous l’aurions voulu.

Ce n’est donc pas à ce niveau bien qu’il soit vital aussi pour nous, êtres humains, mais plutôt au niveau plus pur si l’on peut dire de notre conscience du temps qui glisse irrémédiablement entre nos doigts, insaisissable, impalpable, incolore mais que nous sentons pourtant si présent dans toutes nos cellules, compagnon inséparable, qui nous colle à la peau jusqu’à notre fin. Car l’on a beau se dire que cela ne sert strictement à rien d’y penser de cette façon, on ne peut s’en empêcher. On voudrait justement appréhender le plus possible ce grand responsable de notre mort physique ou de ce que nous appelons ainsi.
On constate alors encore une fois que c’est vers les religions et la philosophie, vers certains de leurs grands penseurs que nous avons tendance à nous adresser pour nous aider à vivre.

Dans le christianisme, la conscience religieuse essentiellement temporelle se divise en deux parties: celle de la vie sur terre(passé et présent) et l’autre(futur), dans l’Au-delà, plus précisément dans un des trois mondes que le croyant aura mérité: l’Enfer, le Purgatoire ou le Paradis. Pour les Chrétiens d’aujourd’hui elle peut sembler très limitée et impitoyable pourtant née il y a plus de 2000 ans elle a toujours de nombreux fervents à travers le monde qui s’en tiennent fermement à elle et acceptent difficilement de la remettre en question. Par ailleurs, le christianisme a toujours insisté sur la notion d’amour inconditionnel envers autrui. La religion du Christ est celle de l’amour et du pardon. Elle est donc toujours liée naturellement à la notion de culpabilité si l’on ne sait pas aimer ni pardonner. Mais par-dessus tout, elle nous fait chercher toutes les solutions à nos problèmes à l’extérieur de nous, en nous adressant à Dieu, au Christ, à la Vierge Marie, à tous les saints...Il nous semble impossible de résoudre nos conflits par nous-mêmes, et notre ère de haute technologie et de voyages à travers l’univers ne semble pas y changer grand-chose.

Si nous nous tournons vers une autre religion telle que le bouddhisme, il en va tout autrement sans que cela veuille pour autant dire que les choses iront plus facilement. Ce sera peut-être le contraire mais cela vaut la peine d’essayer. Le bouddhisme initial ne comportait aucun dogme et tout comme le Christ, Bouddha n’a rien écrit. Mais si l’on résume en quelques mots, le bouddhisme propose à l’homme de vivre dans la sérénité suprême et la compassion infinie puis de mourir très simplement en se laissant emporter dans l’apparition et la disparition à jamais invariable des phénomènes qui se meuvent dans l’univers. A condition toutefois qu’il accepte de réfléchir sur certains principes et qu’il les applique dans son quotidien : par exemple, que son identité est illusoire, que tout ce qui l’entoure est sans cesse différent et donc impermanent et qu’ il convient alors de ne s’attacher à rien puisque rien n’a de consistance fixe et solide ; que mourir est simplement se laisser emporter dans l’apparition et la disparition à jamais continue des innombrables phénomènes qui se meuvent dans l’univers ; enfin que tout est interdépendant et qu’en conséquence aucune vérité ne peut s’affirmer plus exacte qu’une autre. Pour ne citer que ces principes-là.
Seulement, saisir intellectuellement ces propositions ne suffit pas. Le vrai travail commence quand on doit les faire vivre en nous, sinon elles restent lettre morte. C’est là aussi que commence un long chemin aride pour ceux qui veulent changer au contact du bouddhisme précisément parce que leur vie jusqu’alors était souvent presque totalement inverse de celle qu’aura proposée Bouddha, il y a 2500 ans. En particulier dans le monde occidental où l’ego est sans cesse flatté plutôt qu’invité à se rendre le plus discret possible et où il ne saurait encore moins être question de le dissoudre bouddhiquement.
Pourtant il est très tentant d’essayer d’approcher la Loi de Bouddha, de s’inspirer du personnage historique qu’il fut et de ceux qui réussirent le mieux à incarner ce qu’il enseigna.   
Récemment, est sorti un film japonais intitulé « ZEN » qui eut un grand succès. Il illustrait la vie du grand moine japonais Dogen(1200-1253), fondateur de la secte zen Soto. L’essentiel de sa pensée se trouve dans son oeuvre Shobogenzo (Trésor de l’oeil de la vraie loi) et son idée fondamentale est que pour vivre la Loi de Bouddha, il suffit de s’asseoir et de méditer(Shikantaza).


  (inachevé)


     Le 13 avril  2009   à  Tokyo

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